La culture italienne à Paris

Paolo Modugno
Pour mon site dédié à la culture italienne à Paris, j'ai eu la chance d’échanger avec Paolo Modugno, figure centrale de la promotion du cinéma italien dans la capitale. Professeur à Sciences Po depuis plus de 25 ans, il est également le président d’Anteprima, une association qu’il a fondée pour valoriser le cinéma italien contemporain en France. Retour sur son parcours, les projets de l’association et sa vision de la culture italienne à Paris.
Présentation
Cléa : Vous êtes arrivé en France il y a plus de 30 ans. Pouvez-vous nous raconter votre parcours et ce qui vous a conduit à enseigner et promouvoir la culture italienne ici ?
Paolo Modugno : Je suis arrivé à Paris en 1988 depuis Rome pour intégrer Sciences Po. J’ai beaucoup apprécié mes études, et j’y suis finalement resté ! Aujourd’hui, je suis responsable pédagogique du campus de Dijon, après avoir travaillé pendant plus de vingt ans aux relations internationales de Sciences Po, notamment pour la promotion et l’accueil des étudiants internationaux venant d’Europe du Sud. Mais ce qui me tient particulièrement à cœur, c’est mon rôle de professeur de civilisation italienne, que j’exerce depuis plus de 25 ans, d’abord à Paris, puis à Dijon.
Anteprima
Cléa : Parlons d’Anteprima. Comment est née cette association et quels en sont les objectifs ?
Paolo Modugno : Anteprima est née en 2001 grâce à un projet collectif initié par des étudiants de Sciences Po. À l’époque, j’enseignais la civilisation italienne, et un groupe d’étudiants m’a proposé de créer un ciné-club pour explorer la société italienne à travers le cinéma. Nous avons commencé modestement, mais rapidement, l’idée s’est imposée : défendre le cinéma italien contemporain, qui était alors sous-estimé en France. On entendait dire que « le cinéma italien est mort », notamment après un article célèbre de Jacques Mandelbaum dans Le Monde intitulé « Cinéma italien, année zéro ». Nous avons voulu prouver le contraire : le cinéma italien continue d’être un miroir engagé de la société italienne actuelle, abordant des thématiques sociales et politiques, souvent bien plus que le cinéma français.
Ainsi, nous avons créé le ciné-club « L’Italie à travers son cinéma » au cinéma du Panthéon, avec une séance mensuelle le samedi matin. Nous organisons aussi des avant-premières et travaillons avec l’Institut culturel italien, qui nous a permis d’obtenir des films inédits. C’est d’ailleurs grâce à une rencontre avec Luciana Castellina, grande figure de la culture italienne, que nous avons pu accéder à des films non distribués en France. Le nom Anteprima, qui signifie « avant-première », s’est donc imposé naturellement.
Cléa : Comment avez-vous réussi à faire vivre cette initiative sur le long terme ?
Paolo Modugno : Après les trois premières années, le projet collectif à Sciences Po s’est arrêté, mais j’ai décidé de continuer l’association de manière indépendante. Ce qui m’a motivé, c’était l’idée de promouvoir non pas le répertoire classique, déjà bien défendu par des institutions comme la Cinémathèque, mais plutôt le nouveau cinéma italien. Nous avons ainsi présenté des films souvent inédits en France, voire sous-titrés pour l’occasion, avec l’aide de l’Institut culturel italien.
Depuis, Anteprima a élargi ses activités. Par exemple, je m’occupe de la programmation cinéma du festival Italissimo, qui fête ses 10 ans cette année. Nous organisons des projections thématiques, comme récemment sur Pasolini, Troisi ou encore le fascisme au cinéma. Nous collaborons également avec des salles comme le cinéma l’Entrepôt, où nous organisons des cycles sur des thématiques ou des artistes spécifiques.
Cléa : Vous êtes très actif dans la programmation d’événements. Comment ces initiatives sont-elles accueillies par le public ?
Paolo Modugno : Même si je travaille de manière artisanale – pas de réseaux sociaux, juste une newsletter envoyée à une liste de 3 100 personnes –, cela fonctionne très bien. Nos projections au Panthéon (200 places) et à l’Entrepôt (100 places) sont presque toujours complètes. Ce qui s’est créé, c’est une véritable communauté franco-italienne, composée de passionnés, certains présents depuis 20 ans. La mailing list est majoritairement composée de Français (environ deux tiers) et d’Italiens, mais tous partagent un intérêt profond pour la culture italienne.
Le cinéma italien
Cléa : Quels sont les défis actuels pour promouvoir le cinéma italien en France ?
Paolo Modugno : Le principal défi reste de faire découvrir des films contemporains qui ne trouvent pas de distributeur en France. Par exemple, le cinéma italien excelle dans les comédies sociales, mais celles-ci sont très rarement distribuées ici. C’est le cas du réalisateur Riccardo Milani, dont le dernier film, Un mondo a parte, a eu un immense succès en Italie mais n’est toujours pas sorti en France. Pour y remédier, nous organisons des avant-premières, comme récemment à l’UNESCO, à Dijon et à Lyon.
Un autre défi est de continuer à innover et à toucher de nouveaux publics, notamment en dehors de Paris. C’est pourquoi je me déplace régulièrement en province, à Rennes, Tours ou même en banlieue parisienne, pour défendre des films et échanger avec les spectateurs.